mercredi 24 mars 2010
Duels mémorables
En 1624, le jour de Pâques, il essorille Pontgibaud. Le Parlement, pharisien sur les bords, estime que c’est shabbat, et le condamne à mort. L’affaire apaisée, il troue loyalement le marquis Desportes. En 1626, par un beau jour de Mars, il désentripaille le comte de Thorigny qui s’était senti offensé - oui, offensé - de ne pas être choisi comme second lors d’un précédent duel. Louis XIII en rogne menace de l’embastiller. Il fuit chez les Belges. Le marquis de Beuvron, cousin de Thorigny, le poursuit et lui dit: “Je ne serai jamais content que je ne vous aie vu l’épée à la main”. Bouteville répond, jouasse, “Soit, puisqu’on m’a refusé le pardon, je me battrai dans Paris, sur la Place Royale” (Place des Vosges, ndla).
Lundi 10 Mai 1627, neuf heure du soir. Les badauds paniqués voient six hommes tirer l’épée. Bouteville, son second (le comte des Chappelles) et son troisième (Laberthe). En face, Beuvron, Bussy d’Amboise et son écuyer, Buquet. C’est la mêlée. Bouteville et Beuvron n’arrivent pas à se larder à coup d’épée. Ils les abandonnent pour leurs poignards et se ruent l’un contre l’autre. Bouteville, raisonnable, finit par lui crier: “Allons séparer nos amis, notre combat est gaillard!”. Mais entre temps, Bussy d’Amboise est tombé froid. Beuvron fuit en Angleterre, et Bouteville, comme son second, est saisi alors qu’il quittait Paris au galop. Bastille.
Le Procès
Richelieu vient de durcir l’arrêt de 1609 contre le duel. Bouteville et Chappelles seront décapités. L’aristocratie se presse pour demander la grâce, la femme du bon prince en tête. Louis XIII ne cille pas: “La femme me fait pitié, mais je veux et dois conserver mon autorité”. Richelieu , quant à lui, ne perd pas le Nord: “Quelque parti que votre Majesté suive, elle profitera toujours de la faute de ceux qui sont condamnés ; car ou le châtiment fera connaître et redouter votre justice, ou le pardon estimer et admirer la grandeur de votre clémence.” (Mémoires)
La mort
Le 22 Juin 1627, Bouteville monte sur l’échafaud. Lorsque l’exécuteur lui coupe les cheveux, il porte la main à sa moustache qui est belle et grande: “Eh quoi, lui dit Cospéan, évêque de Nantes, vous pensez encore au monde!” Il refuse de se laisser bander les yeux, et meurt, rapporte-t-on, “avec autant de fermeté que de religion et de repentir”. Richelieu, dans son journal, rend hommage à ce duelliste qu’il hait et qu’il admire: “Toute la France vit en cette action mourir par l’épée la plus infâme du royaume, ceux qui en avoient toujours eu de si bonnes, qu’il n’y a personne qui se puisse offenser si on dit qu’il n’y en avait point de meilleures au monde. On vit mourir comme des saints ceux qui avoient vécu en diables ; on vit servir à l’extinction des duels ceux qui n’avoient eu autre soin que de les fomenter”. Ainsi périt en place de Grève le premier martyr du duel et le dernier de ces barons de France, querelleurs et indisciplinés, qui seuls pouvaient considérer le Roi comme leur pair. Richelieu en fit un exemple de l’autorité royale, nous en faisons un symbole, celui de la Glorieuse Indiscipline.
Cassagnac
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Fernand Gabory
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